Les faits se sont déroulés lors du dernier tournoi BLAST Premier : Global Final organisé sur la licence Counter-Strike : Global Offensive, durant les matchs de quart et de demi-finale du upper bracket opposant VITALITY à COMPLEXITY (20 janvier 2021), puis à TEAM LIQUID (21 janvier 2021).
Durant ces deux matchs, une télévision présente en arrière-plan des joueurs de VITALITY diffusait les parties en cours sur Twitch. Ce procédé, défini comme du Stream Sniping ou du Ghosting, est interdit par le Code de l’Esports Integrity Commission (ESIC) pour des raisons évidentes, puisqu’il est susceptible de permettre à l’équipe en cause d’obtenir des informations sur la partie en cours auxquelles n’auraient normalement pas accès les joueurs et d’en tirer un avantage compétitif.
L’Esports Integrity Commission (ESIC) est une association à but non lucratif créée en 2016 par les principaux acteurs de l’esport pour garantir l’intégrité des compétitions et préserver la discipline de toute forme de triche, de manipulation de matchs et de dopage. L’ESIC a ainsi mis en place différents Codes régissant la pratique compétitive professionnelle, lesquels s’appliquent à leurs différents adhérents qui en reconnaissent les principes, les valeurs contraignantes mais également les sanctions y étant attachées.
C’est en tant que membre adhérent de l’ESIC que l’organisateur de tournois BLAST Premier impose aux équipes esports participant à ses évènements, le respect des différents Codes de l’ESIC, et notamment de son Code de Conduite qui prohibe un certain nombre de comportements (nldr : de la mauvaise attitude d’un joueur ou d’une équipe jusqu’aux tentatives de triches en passant par les faits de violence) et les sanctionnent selon 4 niveaux de gravité.
L’ESIC a ainsi été saisie en commission le 21 janvier dernier, avec pour éléments à charge, les images VOD des matchs précités ainsi que les enregistrements caméras des joueurs, lesquels témoignaient de la diffusion des matchs en direct dans une salle vitrée contiguë de celles des joueurs de VITALITY.
Selon l’article 2.3.3 du Code de Conduite, ces faits sont en effet constitutifs d’une infraction de niveaux 3 à 4 (NDLR : selon la nature et la gravité de la triche dont les appréciations sont à l’entière discrétion de l’arbitre de match, du commissaire à l’intégrité ou de leurs délégués), puisqu’ils sont susceptibles de caractériser une tentative de triche via une technique de Ghosting, laquelle vise à obtenir des informations générales sur l’adversaire auprès de sources tierces. Ici et en l’occurrence via le flux Twitch diffusant simultanément le match.
Les faits ont été reconnus par VITALITY, qui s’est pour autant défendu de toute intention malveillante, reconnaissant une erreur humaine et acceptant la responsabilité de la violation.
L’ESIC a ainsi pu procéder à l’évaluation de la violation sur la base de son examen par la commission ainsi qu’à la détermination de la sanction la plus appropriée. Cette dernière n’ayant pas conclu que les joueurs de VITALITY aient utilisé les informations dérivées du stream ou qu’ils aient obtenu avantage concurrentiel dans leurs matchs.
Avant de déterminer l’ampleur de la sanction, et dans le respect de l’art. 7.2, la commission a en premier lieu examiné le passif de l’équipe et notamment vérifié si celle-ci avait déjà été reconnue coupable d’une infraction au Code de Conduite au cours des 24 derniers mois.
La team VITALITY en étant à son premier manquement, l’équipe a directement été soumise à l’article 7.3 définissant l’ensemble des sanctions applicables par niveau d’infraction et potentiel de récidive. En conséquence de quoi, VITALITY s’exposait pour violation du Code de Conduite, et bien que ni l’intention malveillante ne soit démontrée, ni le préjudice déterminé, à une amende pouvant aller jusqu’à 100% du prize-money de l’évènement, soit dans notre cas une amende maximum d’un million de dollars ainsi que jusqu’à 8 points de suspension pour l’équipe (NDLR : lorsqu’un participant ou une équipe accumule 8 points de suspension il est automatiquement suspendu de l’événement en cours) et une période de suspension du jeu pouvant aller jusqu’à 24 mois.
Compte tenu de la politique de tolérance zéro pratiquée par l’ESIC en matière de lutte contre la triche et notamment les phénomènes de Stream Sniping ou de Ghosting comme de l’importance des risques encourus par VITALITY au titre de sa violation, la décision de l’ESIC était particulièrement attendue.
Rendue le 23 janvier dernier, elle portera finalement sur une amende de 10 000 dollars.
Depuis la révélation de l’infraction, certaines équipes concurrentes avaient appelé à la disqualification de la team VITALITY de l’événement plutôt qu’à la soumission d’une amende. L’ESIC a ainsi cru bon de préciser lors de la publication de sa décision :
“La décision de l’ESIC d’infliger une amende à l’organisation plutôt que de disqualifier, suspendre ou interdire l’équipe est fondée sur l’examen par l’ESIC des preuves qui indiquent que prendre une mesure alternative aurait été un résultat disproportionné et injuste vis-à-vis de la négligence du personnel de l’organisation, lequel, bien que négligent, n’avait aucune intention malveillante”.
Une décision finalement conciliante et dont les conséquences auraient pu être autrement plus sévères et impactantes pour le club VITALITY, ses partenaires et sponsors. Compte tenu de la montée en puissance des dispositifs de régulation et de préservation de l’intégrité des compétitions, comme de l’augmentation des risques financiers associés (NDLR : amendes, pénalités, ruptures/non-renouvellement de contrats sponsors, etc), il conviendra assurément que les clubs esports professionnels adaptent leurs processus d’auto-contrôles comme leurs dispositifs de garanties pour se prémunir de tout préjudice de nature à impacter leur fonctionnement, leurs ressources financières et leur visibilité.
A Versailles, le 26 janvier 2021
Nolan LOURTIES & Dorian FORGET – Consultants seniors
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